à la mystérieuse



2 de Agosto de 2005



J'ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité. Est-il encore temps d'atteindre
ce corps vivant et de baiser sur cette bouche la naissance de la voix qui
m'est chère? J'ai tant rêvé de toi que mes bras habitués en étreignant ton
ombre à se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas au contour de ton
corps, peut-être. Et que, devant l'apparence réelle de ce qui me hante et me gouverne depuis des jours et des années, je deviendrais une ombre sans doute.O balances sentimentales.
J'ai tant rêvé de toi qu'il n'est plus temps
sans doute que je m'éveille.
Je dors debout, le corps exposé à toutes
les apparences de la vie et de l'amour
et toi, la seule qui compte
aujourd' hui pour moi,
je pourrais moins
toucher ton front et tes lèvres que les premières lèvres
et le premier front venu. J'ai tant
rêvé de toi, tant marché,
parlé, couché avec
ton fantôme qu'il ne me
reste plus peut-être, et
pourtant, qu'à être fantôme
parmi les fantômes et plus
ombre cent fois que
l'ombre qui se
promène et se
promènera
allégrement
sur le cadran
solaire de ta vie


Robert Desnos, Corps et Biens